La fiancé de l'Hiver
Un homme vivait avec sa fille dans une masure aux abords d’un champ. Veuf, sa fille était sa plus grande joie et tous deux passaient une existence paisible. A la fin d’une année, un hiver arriva déposant son manteau blanc, il recouvrit les arbres, leur masure et le champ, tout devint froid et gris. Doux au début, il devint féroce, souffla sur la terre un vent glaciale qui la craquela, l’herbe était si gelée qu’elle se brisait comme du verre et même le feu dans l’âtre semblait greloter. L’hivers dura et dura encore, il dura si longtemps que la moitié du printemps était déjà passé sans que la neige ne fonde ou que les oiseaux ne reviennent. L’homme et sa fille prenaient leur mal en patience, lorsqu’un jour un vieillard s’effondra presque sur leur porte, frigorifié, des morceaux de glace pendants dans sa barbe hirsute, du givre couvrant sa peau. Ils l’accueillirent chez eux et lui offrirent de se réchauffer et de se reposer. Quand le vieil homme eut recouvré ses forces, il dit :
« Je n’oublierais pas ce que vous avez fait pour moi. »
Après ces mots, il partit. Alors, comme par enchantement, le soleil revint, l’air se réchauffa, la neige se mit à fondre et les champs à fleurir. Le père et sa fille, revirent avec bonheur le printemps s’installer, ils retournèrent à leur vie tranquille et oublièrent le vieillard.
Mais à la fin de l’année ; lorsque les jours ont raccourci et les nuits rallongées, lorsque les premières neiges se mirent à tomber, quelqu’un vint frapper à leur porte. En ouvrant, ils découvrirent un magnifique jeune homme ; il se tenait droit, devant eux, sa peau était aussi blanche que le givre du petit matin et ses cheveux plus encore ; ses yeux étaient d’un bleu aussi clair que le ciel des premières geler. Ses habits de soi fine chatoyaient comme un lac glacé sous les premiers rayons du soleil et il portait une longue cape d’argent, aux bords doublés d’une élégante fourrure blanche. Le jeune homme s’inclina et dit d’une voix froide :
« Il y a un an, vous m’avez accueilli et sauvé. J’étais en conflit avec l’un de mes frères et nous nous sommes combattus un temps, c’est après ce combat que je suis venu ici dans l’espoir d’y trouver une main secourable et vous m’avez tendu la vôtre. Il s’inclina une fois encore. Aujourd’hui je viens payer ma dette. Je peux faire en sorte que votre champ ne gèle jamais, je peux m’assurer que la neige ne soit plus un obstacle, mais qu’elle découvre votre chemin, je peux commander au froid de ne plus vous mordre. Vous n’avez qu’à demander et je vous exaucerais. »
Le père et sa fille ne savaient que dire. Ils avaient compris qui était le jeune homme, mais n’osaient réclamer quoi que ce soit.
« Seigneur, dit le père, nous ne faisons aucun reproche à l’hiver, mais, ma fille est mon trésor le plus précieux et ma plus profonde crainte est qu’elle affronte le froid rude seule, cette inquiétude me tourmenterait même dans la tombe. »
Le jeune homme considéra la fille silencieusement, puis il dit :
« En ce cas, pour vous prouver ma reconnaissance et si tu veux bien de moi, je consens à t’épouser. »
Alors, il tendit sa main et dans sa paume, de la glace se forma comme on cisèle un marbre et une merveilleuse bague apparut. Fine, formée dans l’argent le plus pure, elle arborait un flocon de diamant, dont les branches se divisait avec tant de finesse, tant de raffinement, que le meilleur artisan n’aurait pu les tailler. Le père et sa fille n’avaient jamais vu pareil trésor.
« Prend cette bague comme gage de nos fiançailles. »
La jeune fille prit le bijou délicatement, car elle craignait qu’il ne se brise entre ses doigts ou ne fonde dans sa main.
« Je reviendrais te faire deux autres présents. Porte-les pendant un an et si tu veux toujours de moi, je t’épouserais. »
Sur ces mots, le jeune homme, parti et tandis qu’il s’éloignait, un blizzard se leva et il disparut dans la neige voltigeante.
La jeune fille passa la bague à son doigt, aussitôt, toute châleure de sa main jusqu’à son épaule, s’évanouit, ne lui laissant qu’un affreux sentiment de froid, comme si son membre entier était plongé dans la neige. Elle voulut l’enlever, mais se souvenant des paroles du jeune homme, ne le fit pas.
Un mois plus tard, on frappa à la porte de la chaumière, le père affûtait sa hache, pendant que sa fille alimentait le feu. Ils s’arrêtèrent et lorsqu’ils ouvrirent, un homme se tenait devant eux. Il était grand et de noble allure, un collier de barbe blanche, soigné, ornait son menton et le contour de ses lèvres livides, pourtant il n’était pas vieux. Il portait une tunique d’un blanc éclatant, lisse et scintillante comme une couche de neige sous le timide soleil de midi, brodé d’argent. Une large cape, bordée de fourrure blanche couvrait ses épaules, descendant jusqu’à ses bottes, aux coutures fins, au cuir souple et fourré pareillement. Une chaîne scintillante, au bout de laquelle brillait un flocon d’un bleu de glace et aux reflets aussi purs que le cristal, pendait sur son torse, relevant sa fière apparence.
L’homme s’inclina et dit :
« Me revoilà, veux-tu rompre nos fiançailles ? »
Le père et sa fille furent étonnés, était-ce réellement le jeune homme ? Comme il avait grandi en un mois ! La jeune fiancée, porta sa main à son doigt glacé par la bague, mais elle fit non de la tête. Alors, l’homme lui tendit une cape :
« Comme promit, voici ton second présent. Je reviendrais te faire un autre présent. Porte-les pendant 11 mois et si tu veux toujours de moi, je t’épouserais. »
Sur ces mots, l’homme, parti et tandis qu’il s’éloignait, un blizzard se leva et il disparut dans la neige voltigeante.
La cape était plus merveilleuse encore que la bague, un véritable chef-d’œuvre de broderies dorées et argentées, de coutures fines et de fourrures délicates. Mais dès qu’elle l’enfila, c’est tout son corps qui fut saisit d’un frisson, car elle était comme enlacée par le souffle de l’hivers, elle passa tout le mois suivant devant la cheminé, tremblant de froid, sans parvenir à se réchauffer. Mais elle ne retira ni la bague, ni la cape et au bout d’un mois, des coups lents mais puissants, retentirent à la porte de la maison. Lorsque le père et sa fille ouvrirent, ils reconnurent le vieillard de l’année précédente. Il n’avait rien du vieil homme exténué et à bout de force qu’ls avaient recueilli, au contraire, il se tenait droit, dans sa barbe soigneusement peignée pendaient toujours des stalactites, son regard clair, perçant sous ses épais sourcils blancs, trahissait sa vigueur, son visage était ridé comme une écorce pâle, mais fière comme un grand arbre. Il était couvert d’un long et épais manteau de soie et de fourrure, blanche, orné de broderies au bleu claire comme un ciel d’hivers sans nuage.
Le vieil homme s’inclina et dit :
« Me revoilà, veux-tu rompre nos fiançailles ? »
Le père et sa fille étaient interloqués, était-ce réellement l’homme ? Comme il avait vieilli en un mois ! La fiancée, transit de froid se couvrit les bras de ses paumes glacées, mais elle fit non de la tête. Alors, le vieillard lui tendit une coiffe :
« Comme promit, voici ton dernier présent. Je t’ai offert tous mes cadeaux de fiançailles. Porte-les pendant 10 mois et si tu veux toujours de moi, je t’épouserais. »
Sur ces mots, le vieil homme, parti et tandis qu’il s’avançait, un blizzard se leva et il disparut dans la neige voltigeante.
Le père et sa fille restèrent éblouis en admirant la coiffe. C’était le plus incroyable et magnifique trésor qu’ils n’avaient jamais vu. Elle était d’un blanc miroitant comme la nacre, bordée à son contour par de l’argent pure et en son centre par du fil d’or, entouré de perle, de saphirs et de diamants. A ses extrémités pendaient des bijoux ressemblant à des flocons avec deux gouttes perlant de leurs branches et reflétant toute lumière tel un éclat de soleil, à l’arrière, un voile blanc, d’une finesse inégalable et si léger qu’il semblait voler avant de se déposer délicatement sur le cou. Mais à la seconde où elle s’en coiffa, la jeune fille oublia jusqu’au sens du mot chaleur, car toutes les fibres de son être ne ressentaient maintenant que le froid mordant d’un blizzard de montagne.
Au printemps, elle grelottait pendant les première récoltes, toute glacée, comme si elle avait été pied nue dans la neige. En été, elle tremblait pendant la moisson, toute gelée, son souffle s’échappait de sa bouche comme lors des matins d’hivers. Enfin, en automne, les villageois rentraient chez eux en la voyant approcher, tant il faisait froid à son contact. Et la jeune fille se sentait maudite d’être transit de froid tout au long de l’année et malheureuse que rien ne puisse la réchauffer, même pas ses rêves. Mais jamais elle n’enleva l’un des présents qu’elle portait, car elle savait que cela romprait ses fiançailles et à quel point son vieux père s’inquiétait de mourir en la laissant seule dans leur petite masure.
Au bout d’un an, on frappa à la porte de leur chaumière. L’homme et sa fille se regardèrent, ils ouvrirent hésitant, mais dès cet instant, ils furent aveuglés tant la lumière du dehors était intense. Lorsqu’ils purent ouvrir les yeux, ils s’avancèrent sur le perron et admirèrent béat le spectacle qui se tenait devant eux : Tout était couvert d’une neige scintillante, pourtant l’hivers avait à peine commencé, le ciel était d’un bleu d’une profondeur et d’un clair sans pareil, le soleil projetait ses rayons intensément, faisant briller la glace qui pendait de façons ordonnées aux branches des arbres. Des animaux de tout genre formaient une haie d’honneur jusqu’à un autel de neige en-dessous d’une arche de cristal et d’argent. Devant se tenait debout le jeune homme, plus beau que jamais, portant un élégant costume de cérémonie blanc, tourné vers le père et sa fille, il attendait sa fiancée. Alors, de petites fées aux ailes de glaces, vinrent voleter autour de la jeune fille, l’invitant à avancer, tandis que de petits oiseaux blancs, au plumage duveteux, déposaient un manteau d’argent sur les épaules du père et l’invitait pareillement. Le père ainsi paré prit le bras de sa fille et ils marchèrent vers l’autel, à chacun de leur pas, deux animaux s’inclinaient, tous avaient un pelage blanc, d’abord de grands et imposants ours blancs, puis deux cerfs sveltes et fières, deux renards aux pointes d’oreilles noirs, deux belettes, deux lapins et bien d’autres, s’inclinèrent à leur passage, sans compter les petites fées des neiges et autres créatures de l’hivers. Arrivé devant l’autel, le père lâcha le bras de sa fille, le jeune homme tendit sa main gantée, la fiancée y déposa la sienne et aussitôt, comme par miracle, elle recouvrit toute sa chaleur perdue, la bague tiédie réchauffant ses doigts et sa main, la cape lui donnait l’impression d’être enlacé par une étreinte douce et chaude, la coiffe enfin, raviva la flamme de ses pensées et de ses rêves, tous grelottement, tous frissons, toutes idées de froid fut chassées de son esprit et de son être.
Le jeune homme et la jeune fille se marièrent et depuis ce jour, pendant trois mois, l’hivers s’affaire et s’active, mais le reste de l’année, il se repose et sa bien aimé prend soin de lui et lui d’elle. Quant au père, il vieilli paisiblement, mais jamais plus, son champ de gela, le neige ne le gêna et le froid ne le mordit, même au dernière instant, le feu dans l’âtre et le bonheur de sa fille le réchauffèrent.
Layer Hadrien
26/05/2018