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Shimoneta : Une dystopie sexuelle

Qu’est-ce qui est érotique, vulgaire, ou de la simple connaissance ? Que vous vous soyez déjà posé cette question ou non, vous serez sûrement intéressé par Shimoneta. Cet anime propose une dystopie un peu spéciale et un humours plutôt particulier, mais au-delà de son aspect de comédie osée, une profondeur et une réflexion inattendue peuvent se cacher :

Dans un futur proche, le Japon est devenu le pays aux mœurs les plus pures du monde. Comment ? En interdisant tous contenus, tous gestes et tous mots à caractère pornographique, érotique et relevant de l’anatomie génitale. Une force armée : « la brigade des bonnes mœurs », ainsi qu’un dispositif : le PM, un dispositif que les citoyens ont obligation de porter et qui peut détecter les gestes et les paroles, surveillent que chacun respecte la « loi au maintien de l’ordre public et de la morale ». Dans ce futur aseptisé, Okuma Tanukichi rencontre Kajo Ayame, qui l’entraine de force à rejoindre le SOX, un groupe « éro-terroriste », bien décidé à mettre un terme à cette pureté excessive.

Il serait facile de considérer Shimoneta comme un simple ecchi (anime à caractère érotique et tendancieux), à cause de son scénario qui met le sexe et ce qui s’y rapporte en avant, ses blagues graveleuses et son humour pour le moins épais… Pourtant en creusant un peu plus les situations et le caractère des personnages, on peut trouver que l’anime interroge plus profondément et sérieusement ce taboo qu’est le sexe dans la plupart des sociétés.

Du taboo à l’ignorance

Shimoneta nous montre une société où le sexe et l’érotisme sont plus que taboo, ils sont carrément illégaux. Jugés comme « sale », et « vulgaire » par une partie de la population, qui les ont éradiqué pour permettre « le dévelopement sain de la jeunesse ». Les revues érotiques, les contenus pornographiques sont détruits, tandis que la masturbation, faire un dessin sexy ou le simple fait de prononcer « pénis » sont passibles de prison.

Une première conséquence de cette « pureté » : l’ignorance la plus crasseuse. L’anime montre à quel point les jeunes (qui n’ont pas connu ou peu, un monde sans la loi du maintien de l’ordre et de la morale), sont ignorants et perdus face à leur propre corps. L’éducation sexuelle étant passée à la trappe, car il est impossible de la mener sans être « vulgaire » la jeunesse ne sait même pas comment naissent les bébés. La procréation est un mystère, incarné par l’obsession de Fuwa qui cherche pendant tout l’anime à percer ce secret. Une scène improbable et pathétique met cette ignorance en lumière dès le premier épisode : Les élèves de l’académie de nos héros sont rassemblés dans le gymnase, lorsque profitant de ce moment « la marque bleue » (pseudonyme terroriste de Kajo) diffuse sur écran géant deux mouches en train de copuler, elle simule les cris de jouissance d’un couple et lâche des photos érotiques dans la salle. Les élèves sont alors excités, tout en se demandant ce qui leur arrive…

© Shimoneta Opening

L’ignorance que créé cette société autour du sexe, empêche l’éducation sexuelle et la connaissance du fonctionnement du corps, qui sont des savoirs fondamentaux pour contrôler sa sexualité. La jeunesse dans Shimoneta est privé de ces repères, ce qui les conduits dans l’anime à se pâmer pour un stimulus ridicule, voir « anormale ». On pourrait alors très bien imaginer l'amalgame que ces jeunes esprits feraient entre toute sorte de fétiches et la simple sexualité, ainsi que les catastrophes qui suivraient à leur âge adultes…

L’ignorance de cette société créée donc des bombes à retardement parmi sa jeunesse, mais elle place aussi les bases de son propre effondrement. 

Une société qui s’autodétruit

Cela se comprend très clairement dans l’épisode 2, Anna, la présidente du corps étudiant et le personnage censé incarné la pureté, accroche dans le bureau du conseil des élèves une image pornographique : une femme en train de lécher un champignon de manière suggestive. Lorsque Okuma, lui en fera la remarque, celle-ci tombera des nues en disant :  « je ne vois qu’une fille qui déguste un champignon, où se trouve le mal dans cette image ? »

© Shimoneta episode 2

Cette scène pose deux problèmes : premièrement elle montre que la vulgarité est complètement subjective. N’est vulgaire que ce que l’on juge vulgaire. La loi du "maintien de l’ordre et de la morale" proscrit ce qu’une partie de la population estime « impure », faisant de l’avis d’un petit nombre, une loi qui définit la liberté de tous.

Deuxièmement, on ne peut trouver quelque chose vulgaire que si on sait le reconnaitre. Plus précisément, et pour rejoindre la première partie, on ne peut voir de l’érotisme que si on sait ce qui est érotique. L’ignorance imposée dans Shimoneta rend la chose impossible.

Par ce fait, on peut très bien imaginer qu’une fois ceux qui ont connu le monde d’avant disparut, l’ignorance soit la norme. Et donc la société « aux mœurs les plus pures du monde » pourrait voir en tout innocence, ses membres afficher des images pornographiques partout.

Un autre problème, bien plus effrayant, est incarné par la plupart des personnages et surtout Anna. L’ignorance décrite plus haut, ne génère pas qu’un problème d’éducation, mais aussi de comportement. Comment ? En supprimant tous repères, la jeunesse ne sait plus du tout faire la part entre les sentiments et ne connait plus la limite entre relation saine, malsaine ou agressive.

Plus de limites

Deux exemples pour montrer comment l’ignorance sexuelle a brouillé les frontières des sentiments et enlevé les limites du tolérable: Celui de Saotome, dessinatrice qui avouera être amoureuse de Anna. Et Anna elle-même qui se révèlera être un personnage effrayant.

Saotome d’abord, artiste dessinatrice, avouera à Tanukichi être amoureuse de Anna. Cependant on comprendra au fur et à mesure de l’anime, que Saotome est à la recherche d’une « muse », d’un modèle qui l’inspire pour ses dessins. Or son choix s’est portée sur Anna, qu’elle admire en secret. Ici le problème est clair : Saotome et ses camarades ne sont plus capables de faire la différence entre leurs sentiments. L’admiration, l’amitié ; l’attirance et le sentiment amoureux sont devenus flous. Saotome nous montre la version soft du dérèglement des relations avec autrui qu’induit la « société la plus pure ».

Avec Anna, c’est la version hardcore. Simplement parce que la pure et douce Anna, après un échange malencontreux de salive avec Tanukichi (comme savent le faire les animés…) deviendra complètement Yandere (personnage aux allures douce et gentille qui est en fait psychotique). Pour être plus précis, Anna se changera en stalkeuse obsédé par Tanukichi : elle s’introduira chez lui ; tentera d’abuser de lui ; volera ses sous-vêtements ; tentera de lui faire boire ses fluides génitaux… Pourtant Anna restera une fervente défenseuse des bonnes mœurs et de la morale.

© Shimoneta Animé

Comment est-ce possible ? Parce qu’elle ne se rend absolument pas compte qu’elle les enfreint ! C’est une autre étape qui est franchit avec ce personnage, l’ignorance de ce qui est vulgaire, l’incapacité de reconnaître les sentiments envers autrui, conduit à ne plus distinguer ce qui est mal ou non. Anna dira elle-même en parlant de Tanukichi « ce n’est pas sale, parce que je l’aime ». Pour Anna, ce qui est fait par amour ne peut pas être vulgaire, comme si l’amour « lavait » ce qui est en fait un délit sexuel.

© Shimoneta Animé

« La société aux mœurs les plus pures » est responsable de la perversion de sa jeunesse qui deviennent des délinquants sexuels qui s’ignorent. C’est sûrement l’aspect le plus triste de l’anime, car Anna qui n’est pas méchante pour deux sous, deviendra un personnage dégoûtant et dangereux, convaincue pourtant des valeurs qu’elle défend sans s’apercevoir qu’elle est bien plus perverse que « la marque bleue », sa pire ennemis.

Enfin

Shimoneta reste un anime humoristique qui tire son comique de situations et de blagues graveleuses. Mais néanmoins, parmi toutes ses blagues salaces, se cache peut-être une réflexion plus profonde sur ce qu’est la pureté et la vulgarité.

 

Un dernier mot pour finir : dans les derniers épisodes intervient le groupe éro-terroriste « les culottes égarés » qui volent les culottes sans distinction. Kajo et Tanukichi sont outrés par leurs agissement, car Kajo cherche à éduquer, elle transgresse la loi pour amener un éveil chez ses comparses, « les culottes égarées » ne cherchent qu’à assouvir un fantasme. On constate ici, que l’anime cherche à attirer notre attention sur ce qui est de l’éducation et ce qui est de la perversion.

© Shimoneta Opening

Layer Hadrien  05/2020

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